Rechercher

Portraits et autoportraits de formatrices et formateurs en Bourgogne-Franche-Comté

Elaborée dans le cadre de la Communauté des organismes de formation en Bourgogne-Franche-Comté et bénéficiant des financements du Pacte régional d’investissement dans les compétences (PRIC), l’action « Portraits et autoportraits de formatrices et formateurs », portée par Emfor, est une première étape dans l’accompagnement au développement des pédagogies active et expérientielle au sein des pratiques des professionnels de la formation en Région.

Frédéric Haeuw à qui ont été confiées l’ingénierie et l’animation de cette action va à la rencontre de formatrices et de formateurs afin de produire avec eux des récits de pratiques sous la forme de portraits ou d’autoportraits...

Décidément, cette dernière semaine avant les congés d’hiver aura été marquée du sceau des codes vestimentaires. Après les tenues sages de l’EPIDE, j’ai rencontré Athénaïs DAVAL sur son lieu de travail le troisième vendredi de Décembre qui est, comme chacun le sait, la journée internationale des pulls moches. C’est donc dans une ambiance festive qu’a eu lieu mon premier contact in situ avec le CESAM de Dijon, chacun, apprenant comme formateur, ayant eu à cœur de respecter cette jeune tradition populaire.

Aurais-je eu une impression différente un autre jour de l’année ? Si je me doute qu’en temps ordinaire les formateurs et personnels administratifs portent plus rarement des clochettes ou des guirlandes lumineuses autour du cou, je pense que ma visite aurait peu ou prou été la même. Je n’insisterais pas sur l’exiguïté des locaux, puisque le CESAM doit prochainement déménager dans un quartier populaire de Dijon (au plus proche des publics visés), mais sur le fait que l’enchevêtrement des salles, des bureaux et des parties communes donne un joyeux sentiment de Maison de famille dans laquelle chacun vaque à ses occupations, s’active, se croise et s’interpelle, mû visiblement par un mystérieux but à atteindre. Le slogan qui figure sur le site « une organisation dynamique qui a fait ses preuves » ne semble pas usurpé tant le mouvement des uns et des autres semble être au cœur de la machine.

Créé en 1971, date symbolique de la première loi sur la formation professionnelle des adultes, la vocation initiale du CESAM était d’assurer l’apprentissage de la langue française auprès des migrants. C’est une association sans but lucratif qui ambitionne aujourd’hui de « concilier l’économique et le social et d’aider aux mutations » en proposant une offre de service diversifiée comprenant : des actions d’orientation et d’accompagnement à l’insertion professionnelle ; des préparations aux métiers du sanitaire et social et d’aide à la personne ; des formations linguistiques et actions d’accompagnement et d’orientation des publics migrants, primo arrivants et réfugiés ; des formations aux compétences de base et aux usages numériques ; et enfin la formation des professionnels de l’accompagnement.  

Là aussi, tout est question de valeurs, comme l’évoque le président Michel David dans son mot d’accueil sur le site. Pleinement « inscrit sur un territoire, en lien avec les besoins en compétences de ses acteurs économiques, entreprises, institutions, collectivités locales », le CESAM ambitionne d’agir collectivement pour construire des chemins d’insertion, s’engager pour la diversité des cultures et des publics, défendre l’esprit social et républicain, créer un lien direct et vivant avec les publics et les usagers, et enfin être « un lieu d’échange utile et solidaire qui permette à chacun de s’engager avec plus de confiance dans sa démarche de vie et dagir ensemble pour construire un avenir positif. »

Cette ouverture se lit même à travers le nom des salles : pas de salle B 440 ici mais une salle Condorcet, une salle Leonard de Vinci, une salle Louise Michel, une salle Oum Kalthoum… Au détour d’un couloir, une fresque rappelle quelques étapes du cheminement du CESAM : le dispositif PAQUE en 1991, l’accroissement progressif de l’activité à partir de 1993, le dispositif FAIRE en 1997, la signature d’un engagement de développement de la formation en 1999. En lien avec ma propre histoire professionnelle, je ressentirais une émotion particulière en apercevant par une porte entrouverte (pour ne pas déranger) l’Atelier de Pédagogie Personnalisée créé en 1987, à peu près à l’époque où je prenais moi-même la coordination de l’APP de Marquette-lez-Lille. Mais je me promets d’y revenir plus tard ! Donc, je résume – au risque de simplifier – le CESAM s’adresse avant tout aux personnes fragilisées, avec une mission d’insertion sociale, professionnelle et citoyenne, et s’inscrit dans le courant de l’Éducation Permanente, que Jean-Claude Forquin (2004/3) définit comme « une éducation étendue sur toute la durée de la vie, intéressant toutes les dimensions de la vie et intégrant en un dispositif cohérent les différentes modalités possibles du processus éducationnel : initiale et continue, formelle et informelle, scolaire et non scolaire ».

Mais je manque à tous mes devoirs, je ne vous ai pas encore présenté ma guide : Athénaïs DAVAL

Athénaïs, formatrice et manager

Athénaïs est une jeune femme déterminée. Arrivée au CESAM en Juillet 2022, elle est en charge du projet CESAM Autonomies, chantier d’insertion dans le secteur de l’aide à la personne.

Née dans les Vosges, elle rêve de devenir vétérinaire, puis sociologue. Mais le monde qu’elle connait le mieux est celui de la formation et de l’éducation dans lequel exercent beaucoup de personnes de son entourage. Sans projet professionnel à l’issue du bac, Athénaïs, qui aime l’histoire, la géographie et la sociologie, intègre sans grande surprise une licence de sociologie générale. Elle réalise un stage en L3 au sein de la communauté d’agglomération d’Épinal, dans un service qui sera l’occasion d’une première rencontre avec les chantiers d’insertion, sans se douter qu’elle les retrouvera quelques temps plus tard. En effet, elle est associée à un chantier d’insertion dans le nettoyage de rivières et est amenée à développer un outil de suivi pour les salariés en insertion. Avec sa tutrice de stage, elle répond également à un appel à projet pour le recueil et le traitement des données sociologiques sur le territoire d’Épinal. Mais toujours pas de projet professionnel établi à l’issue de la licence !  En 2020, elle consulte donc les différents Masters sur un site spécialisé et opte pour le Master Sciences de l’éducation accès recherche de Dijon, option expertise sociologique et économique en éducation, qui lui permet d’associer la sociologie, l’économie, l’éducation et la formation. Elle axe ses différents mémoires de Master sur le développement des compétences et « c’est à ce moment-là, dit-elle, que je suis tombée dans la marmite des compétences, et je n’en suis pas ressortie ! »

Dans le cadre de ce Master, elle postule à une offre de stage au GIP Formation tout au long de la vie du rectorat de Dijon où elle découvre le dispositif DAQ « Accompagnement vers la Qualification » ; Elle travaille sur la création d’une base de données afin de produire une étude sur les bénéficiaires des DAQ, mais malheureusement, le COVID passe par là et l’étude s’arrête. Mais Athénaïs est pugnace : frustrée de n’avoir pas pu aller jusqu’au bout, elle recontacte son tuteur et reprends l’enquête là où elle en était restée, en tant que stagiaire bénévole, et finalise l’étude intitulée « les bénéficiaires des DAQ en Saône et Loire entre 2018 et 2020 ».

Après le Master, elle est embauchée dans un organisme de formation en tant que chargée de développement formation dans un CFA. C’est une expérience courte qui lui apporte des compétences complémentaires, mais elle n’y trouve pas son compte : faire du chiffre, cela ne l’intéresse pas. Elle postule au CESAM et la voici donc aujourd’hui en charge de ce chantier d’insertion.

Pour rappel, un chantier d’insertion est un dispositif financé par l’Etat, le Département, l’ARS qui relève des structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) et qui s’adresse à des personnes très éloignées de l’emploi. Alors qu’habituellement un chantier d’insertion produit des biens et des services qui peuvent être commercialisés auprès de différents clients, celui-ci est très original puisqu’il se situe au sein même de trois Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées : l’EPHAD Les Bégonias sur Dijon, l’EPHAD St Vincent de Paul sur Vignoles et sur Athée, Les logis du Parc sur Moussier. Ouvert en novembre 2021, ce chantier d’insertion dispose de vingt-quatre places, réparties en trois équipes de huit salariés par site. En contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI) de six mois renouvelables trois fois, ces salariés travaillent vingt-six heures par semaine, dont six heures de formation sur un poste intitulé « salarié polyvalent ». Ils sont encadrés sur chaque site par un encadrant technique à temps plein ainsi que par un chargé d’insertion professionnel à ½ temps.

Athénaïs est chargée du recrutement des salariés en insertion. Les candidatures sont envoyées par les prescripteurs sur la « plateforme inclusion » et, enfonction des postes disponibles dans l’un ou l’autre des EHPAD, elle reçoit les candidats avec la Conseillère en insertion professionnelle du site concerné. Toutes les deux analysent si le projet correspond au profil du poste et si les freins au retour en l’emploi peuvent être levés.

Même si elle est physiquement éloignée des EHPAD, puisque son bureau est au siège du CESAM, elle est la manager de l’équipe encadrante (CIP et encadrants techniques) qu’elle visite régulièrement. Son poste comprend aussi une partie administrative conséquente et elle gère les relations avec les prescripteurs, les financeurs et l’ensemble des partenaires.

Elle est également en charge du plan de développement des compétences. Comme dans une entreprise ordinaire, elle réalise une analyse des besoins et un recueil des attentes des salariés en insertion, construit le plan de développement des compétences et gère les relations avec les organismes de formation (dont les autres pôles du CESAM). Ces formations se déroulent au sein même des EHPAD, sur des horaires définis dans l’emploi du temps et comprennent notamment remise à niveau, initiation au numérique, TRE, SST ainsi qu’une préqualification des métiers de l’aide à la personne. En 2023, elle projette de développer de nouveaux outils RH, ainsi que les outils de suivi et d’évaluation pour les salariés en insertion : étude de postes de travail, création de référentiel métier, création de grille d’évaluation pour améliorer le volet formation.

Finalement, est-elle formatrice ? On peut s’interroger à la lecture des tâches qui lui incombent, qui dépassent largement le cadre d’exercice habituel d’un formateur, d’autant qu’elle n’est jamais en face-à-face pédagogique. Cependant, si comme l’écrit Bertrand Schwartz un formateur est « une personne qui forme, éduque, instruit et ses actions peuvent aller du simple conseil pédagogique à la formation de formateurs, en passant par un apport d’outils et de documents pédagogiques », alors elle l’est de toute évidence.

Comment définit-elle ce métier ? « Si tout le monde peut apprendre quelque chose à quelqu’un et tout le monde peut apprendre des autres, être formateur est un métier à part : Maitriser un sujet, le faire passer à un groupe, créer une dynamique, apprendre à connaitre et à prendre en compte les personnes qui se forment. Pour moi être formateur, c’est avant tout l’envie de transmettre aux autres toutes sortes de connaissances et de compétences tant sur des savoirs spécifiques que sur du savoir-être. Pour ce faire, le formateur doit, en lien avec son domaine de prédilection, adapter sa pratique en fonction des apprenants. En effet, nous n’apprenons pas tous de la même manière, certains privilégieront l’échange et les jeux tandis que d’autres préféreront des supports écrits et vidéo (pour n’en citer que quelques-uns). Ainsi, être formateur implique une forme d’adaptation et de travail constant sur la manière de transmettre aux autres. Pour ma part, il réside, dans cette forme d’adaptation constante, un réel souhait de transmettre et de partager ses connaissances et compétences auprès des apprenants ».

Quoiqu’il en soit, et sans préjuger de la suite de son parcours, ce poste lui convient bien car il lui permet de développer sa créativité, de mobiliser son intérêt pour la notion de compétence et son goût pour les relations humaines ; c’est un emploi qui lui permet de développer elle-même de nouvelles compétences, notamment sur le management, et de continuer à apprendre des choses car sinon, « je m’ennuierais vite », dit-elle. Mais surtout, le CESAM est en phase avec ses valeurs humaines « ici, le point fort est celui de l’utilité sociale, on aide des personnes à se stabiliser, à lever les freins à l’insertion, et ce côté humain m’intéresse plus que de faire rentrer de l’argent dans les caisses ! »

1 réflexion sur “Portraits et autoportraits de formatrices et formateurs en Bourgogne-Franche-Comté”

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut
Retour haut de page